Les poulinières à Montebourg de Dan Méaux : le tableau qui n’existe pas


Dan Méaux est mort en octobre 2003. Il a quitté le monde un peu à la manière de Molière: il est mort dans son atelier au milieu de ses toiles. C’était à Céret, près de Perpignan. Mais c’était dans le Cotentin que sa vocation d’artiste avait véritablement pris naissance.
Le jeune artiste qui avait fait ses études aux Beaux-Arts de Moulins et de Metz s’était fait remarquer à Cherbourg dès 1968. Peu à peu, Dan s’est fait un nom, et c’est en 1975 que sa carrière a accéléré le pas grâce à Jack Lem qui l’a accueilli dans sa Galerie de la Marine. “Je suis un peintre parce que c’est ma seule passion, écrit-il dans son Manifeste, j’y étale ma conscience. Pas de message dans mon œuvre. La réalité compte moins que les sensations qu’elle donne”. Dans ces mêmes Ecrits et propos sur mon Art, Dan Méaux pose ainsi son regard sur ses choix: “ Je pense que mon style, bien qu’accroché au passé, appartient à demain”. En même temps, il confie qu’il aimerait donner à sa peinture “le contenu de celle de Cézanne”: une peinture où l’articulation plastique codifiée par les rythmes colorés restitue la vie au sujet. Ce qui explique qu’il ait tracé sur son carnet de notes ces lignes de Picasso: “Il y a des peintres qui transforment le soleil en une tache jaune, mais il y en a d’autres qui, grâce à leur art et leur intelligence, transforment une tache jaune en soleil”. C’était là l’ambition, la recherche, la passion de Dan Méaux.

Dan Méaux aimait peindre les chevaux

Dan Méaux aimait peindre les chevaux, leur vie, leur fougue. C’est à cause de cette belle passion qu’il avait été sollicité pour travailler à Montebourg, un jour de concours des poulinières qui se déroulait alors, chaque été depuis plus d’un siècle, à l’ombre de l’église Saint-Jacques. Il est venu, avec un carnet d’esquisses, traçant les lignes, saisissant les mouvements, disposant les volumes, pour travailler ensuite sur la toile dans son atelier.
Il s’y est mis. Le tableau était une hauteur, les jumen ts et leurs poulains et tout le mouvement confus d’une scène avec des chevaux en nombre sur fond d’église cassine... Puis, il laissa le pinceau, et ne finit jamais son sujet... La toile lui servit à autre chose.
De ses vingt-cinq ans de passion pour le Cotentin qui l’a en partie dévoré, il a emmené plus de cent toiles vers d’autres cieux, mais sans ces Poulinières à Montebourg qui s’effacèrent à peine nées... Il reste sans doute dans les collections que ses enfants conservent les quelques feuillets sur lesquels il a saisi la vie des chevaux et des gens un après-midi ensoleillé de juillet, à Montebourg.

Jean Margueritte


 

Légendes des photos :

Photo 1 : Dan Méaux et le « tableau qui n’existe pas »

Photo 2 : Esquisses pour les « Poulinières à Montebourg »

Photo 3  (ci-contre): Juments et poulains au pied de l’église de Montebourg fin juillet 2010